Une exonération fiscale, accordée à une société de trading, inadmissible et indigne de magistrats de gauche

C’est avec consternation que le Parti du Travail a appris que le Conseil administratif de la Ville de Genève a accordé un préavis favorable à une demande d’exonération fiscale émanant d’une société active dans le négoce de matières premières, une société créée par un consortium de banques et de sociétés de trading, dans le but d’utiliser la technologie blockchain afin de faciliter et sécuriser les transactions entre extracteurs, traders et financiers. Une société qui représente 14 emplois, mais qui est hautement lucrative puisque elle a effectué, depuis sa fondation en 2018, des transactions d’un volume dépassant les 700 millions de francs. Nous apprenons que cette décision a été prise par une majorité simple du Conseil administratif, soit par les voix de Guillaume Barazzone (PDC), Sami Kanaan (PS) et Sandrine Salerno (PS).

 

Inacceptable en elle-même, cette décision constitue en outre une trahison totale et sans appel de toutes les valeurs de la gauche par deux magistrats qui s’en réclament. Le principe même d’exemption fiscale, bien que prévu par la loi, pouvant être accordé à une entreprise nouvelle ou en cours de restructuration, si celle-ci est estimée être dans l’intérêt économique du canton, et pour une durée ne pouvant pas dépasser dix ans, constitue, quoi qu’on en dise, un privilège scandaleux, quasi-féodal, une négation flagrante du principe de l’égalité devant l’impôt. Pendant qu’un particulier est sensé payer ses impôts jusqu’au dernier centime, ce à quoi il ne peut se dérober s’il est salarié, et qui peut le confronter à faire face à la faillite et aux huissiers, des entreprises privées peuvent, sur de longues périodes, ne pas, ou presque pas payer d’impôts, tout en réalisant des bénéfices considérables, et en reversant de juteux dividendes à leurs actionnaires. Un argent qui manquera ensuite dans les caisses des collectivités publiques, du fait de quoi des prestations indispensables ne pourront pas être financées. Une véritable redistribution des richesses…en faveur des plus riches !

 

La RFFA a tout juste été votée. Les pertes fiscales qu’elle occasionnera aux collectivités publiques s’annoncent d’ores et déjà considérable. Mais visiblement ce cadeau – pourtant combien mirobolant – ne suffit visiblement pas aux maîtres du capital ! Ils trouvent encore le taux trop élevé, et voudraient ne pas payer d’impôts du tout. Leurs fondés de pouvoir ont pourtant fait passer cette réforme, entre autres, sous le slogan hypocrite de justice fiscale, de suppression des privilèges fiscaux accordés à certaines entreprises. Nous pouvons constater aujourd’hui que ce slogan n’était pas sincère. Les privilèges continuent, exactement comme avant.

 

Et ce n’est pas à une entité philanthropique qu’il est question d’accorder une exemption fiscale, mais à une société à but lucratif, et pas n’importe laquelle : une société de trading en matières premières. Une société qui n’avait guère besoin de ce cadeau, puisqu’elle visiblement hautement lucrative. Mais, il s’agit d’un type de société que la droite genevoise a choisi d’avantager, suivie malheureusement par une partie de la gauche. Un type de société qui génère certes des rentrées fiscales – quoique beaucoup moins considérables que ce qu’elles devraient payer, du fait d’attitudes complaisantes comme celle dont le Conseil administratif a donné un triste exemple –, assez peu d’emplois (mais très bien payés), et une pression inflationniste sur les loyers. Mais, si on prétend être de gauche, on doit quand même regarder d’un point de vue un peu plus global, et ne pas se contenter de l’avantage égoïste de rentrées fiscales ici. Les sociétés de négoce représentent en effet ce que le capitalisme fait de pire dans la prédation. Ces sociétés ne produisent aucune richesse, n’ont aucun rôle socialement utile, elles ne font qu’acheter et revendre des matières premières. Elles sont au mieux parasitaires. Mais il y a plus. Leur modèle d’affaire est fondé sur la spéculation, la manipulation des cours, la pression à la compression des coûts de production, au détriment des travailleurs et de l’environnement. Les conséquences en sont bien connues : flambée purement spéculative des prix de matières premières, condamnant des millions de personnes à la famine ; travail dans les mines dans des conditions proches de l’esclavage (accompli trop souvent par des enfants) ; pollution à large échelle, dont les spéculateurs n’ont que faire ; corruption des élites locales…C’est vraiment ce modèle d’affaire que des conseillers administratifs de gauche (le sont-ils encore ? la question se pose) veulent favoriser ? Et, aujourd’hui que l’urgence climatique est un fait incontestable, et que le désinvestissement des énergies fossiles est une exigences incontournable, est-il tolérable d’accorder des privilèges à des sociétés qui font du négoce de pétrole ?

 

Cette affaire illustre tout ce qui ne peut ni ne doit continuer. Des gens qui se font élire sur des listes de gauche, faute de principes suffisamment nets et suffisamment sincères, appâtés par les ors de la République, oublient les idées qui un jour ont été les leurs, s’intègrent aux institutions de l’Etat bourgeois, s’y adaptent et deviennent les loyaux serviteurs de la bourgeoisie…exactement comme leurs collègues de droite. Cette gauche là n’est pas celle que le Parti du Travail a toujours voulu incarner. Nous n’oublions pas que la barricade n’a que deux côtés, et que notre camp est toujours celui des travailleurs, des classes populaires, cela que nous devions lutter dans la rue, dans les parlements, ou au sein des exécutifs. Si nous présentons des candidatures aux exécutifs, c’est pour faire autrement que la droite et la gauche gestionnaire, pour en faire également un terrain de lutte, pour changer cette société, non pas pour servir l’ordre établi.

 

Pour le Parti du Travail

 

Alexander Eniline

Président

 

Maria Pérez

Conseillère municipale et candidate au Conseil administratif

 

Tobia Schnebli

Conseiller municipal

 

Morten Gisselbaek

Conseiller municipal