Le 7 mars 2021, le peuple suisse devra se prononcer sur l’accord de libre-échange conclu entre l’Indonésie et l’AELE (Association européenne de libre-échange, dont font partie la Suisse, le Liechtenstein, l’Islande et la Norvège). Le Parti du Travail appelle résolument à voter NON, tant par opposition de principe à ce que sont les accords de libre-échange, qu’étant données les conséquences socialement dévastatrices et écocidaires qu’occasionnerait cet accord-là.
Les accords de libre-échange, tels qu’ils existent actuellement, entendent cette notion en un sens plus large que celui, classique, du XIXème siècle : suppression des barrières douanières et « laissez-faire » économique. Les accords de libre-échange devraient plutôt être qualifiés d’accords de protection des investissements. Outre la levée de barrières douanières, l’abolition de mesures protectionnistes, l’harmonisation des normes (généralement par le bas), ces accords prévoient des garanties aux entreprises contre tout « retour en arrière » qui pourrait léser leurs intérêts. Ils instituent des tribunaux arbitraux, composés d’avocats d’affaires, auxquels les multinationales n’hésitent pas à recourir contre des États, et gagnent souvent, décourageant, par des indemnités scandaleusement élevées, toute velléité de politiques progressistes qui diminueraient un tant soit peu leurs profits. Ces accords instituent de fait une véritable tyrannie des multinationales. Ils instaurent une logique dévastatrice tant au plan social qu’à celui de l’environnement : mise en concurrence généralisée des travailleurs à l’échelle mondiale, nivellement des salaires et des droits sociaux vers le bas. Il est économiquement irrationnel et écologiquement catastrophique d’importer de très loin des marchandises qu’il serait possible de produire localement, tout cela pour le seul enrichissement d’une infime minorité. Loin de favoriser la « diversité » et la « liberté », le libre-échange détruit au contraire des petites entreprises locales, et conduit à la domination sans partage de quelques monopoles. Le libre-échange détruit l’agriculture paysanne, pour imposer l’agroalimentaire industriel. Et ces accords de libre-échange interdisent toute rupture avec cette voie délétère. Pour empêcher la catastrophe imminente, il est donc indispensable de briser le carcan du libre-échange.
Ce sont là les raisons de principe de s’opposer à tout accord de libre-échange. Il y a de toutes aussi bonnes raisons de s’opposer à cet accord-là en particulier. Le slogan le plus connu contre cet accord est « Stop huile de palme ». La monoculture de l’huile de palme – huile végétale la moins chère et la plus utilisée dans l’agroalimentaire industriel – est en effet un désastre tant pour la santé des consommateurs, l’environnement, les droits des travailleurs, les paysans suisses, et les paysans indonésiens. L’accord de libre-échange susmentionné prévoit d’abaisser de près de 35% les tarifs douaniers sur l’huile de palme. Ce qui impliquera une concurrence ruineuse pour les producteurs suisses d’huile de colza. Cela favorisera surtout la poursuite de la déforestation à large échelle. Des centaines de milliers d’hectares de forêts tropicales – et la biodiversité irremplaçable qu’elles abritent – seraient anéanties, pour laisser place à des latifundiae, où des travailleurs triment pour des salaires misérables, dans des conditions déplorables, et où le travail des enfants est fréquent. Les paysans indonésiens sont massivement expulsés de leurs terres, et forcés d’abandonner leur agriculture vivrière pour travailler sur les plantations de palmier à huile. Leurs conditions de vie et leur sécurité alimentaire sont gravement menacées. Les communautés autochtones sont brutalement expulsées de leurs terres ancestrales. Et le prétendu label de durabilité vanté par la bourgeoisie suisse n’est que de la poudre aux yeux…
Et il n’y a pas que l’huile de palme. L’Indonésie possède d’immenses richesses minérales, exploitées par des multinationales occidentales de façon scandaleusement non durable, dans des conditions atroces, écocidaires et sans aucun égard pour les populations locales. La plus grande mine d’or au monde se trouve en territoire indonésien, sur l’île de la Nouvelle-Guinée, en Papouasie occidentale. Un territoire occupé par l’Indonésie depuis son indépendance – une occupation coloniale peu connue, et rarement dénoncée – et dont sa clique dirigeante livre les ressources naturelles à un véritable pillage, utilisant sans scrupules les méthodes du temps de la dictature de Suharto contre un peuple qui lutte courageusement pour son autodétermination. Aujourd’hui, ce sont les forêts tropicales de Papouasie occidentale qui sont menacées, ainsi que les peuples autochtones qui y vivent depuis des temps immémoriaux.
Pour dire stop à une logique de libre-échange antisociale et écocidaire, pour freiner la méga-machine extractiviste, pour soutenir les paysans de Suisse et d’Indonésie, et par solidarité avec le peuple de Papouasie occidentale, il faut résolument voter NON à cet accord de libre-échange !
Alexander Eniline