Force est de constater que, depuis que nos anciennes régies fédérales ont été démantelées et que les différentes entités ont été transformées en sociétés anonymes, les problèmes s’accumulent, notamment en matière de transparence des comptes. Le scandale de Car postal nous amène à nous poser de sérieuses questions sur les comptes de la Poste, qui ont notamment mené à la fermeture de nombreux offices partout dans le pays, du Val-de-Travers aux confins des Grisons. Lors de sa conférence de presse du 8 mars dernier, la direction de la Poste a présenté un très bon résultat financier – 420 millions de francs de bénéfices ont été réalisés -, et ceci malgré les provisions engagées dans le cadre du scandale de Car postal.
Ce scandale nous amène à une première réflexion. Même s’il semblerait que les dirigeants de Car postal ne se sont pas enrichis en détournant des subventions, il n’empêche que celles-ci ont servi à améliorer les résultats comptables de l’entreprise. Cela, vous le savez, a pour conséquence d’augmenter ce qu’on appelle pudiquement la part de salaire variable, autrement dit, les bonus. Le versement de bonus aux membres des directions des différentes entités qui ont remplacé les anciennes régies fédérales doit cesser et le salaire de ces personnes doit être revu drastiquement à la baisse.
Rappelons quand même que certaines directrices et certains directeurs gagnent deux fois plus que nos conseillers fédéraux et que, malgré des comptes bénéficiaires depuis de nombreuses années, si les dirigeants touchent des bonus, les employés, eux, continuent à être licenciés – plus de 1000 l’an passé -, à perdre leur emploi, voire à être mutés. Cherchez l’erreur! Pourtant, lors de cette conférence de presse, les bonnes performances du personnel ont été soulignées à plusieurs reprises. Ce n’est pas étonnant car, contrairement à la direction, les collaborateurs de la Poste restent très appréciés par la population.
Notre deuxième réflexion porte sur la modification de la gestion financière intervenue en 2016, soi-disant pour augmenter la transparence ce qui, dans la situation présente, nous laisse pour le moins songeurs. Ainsi, une justification du démantèlement des offices de poste se réfère au déficit que la Poste crée elle-même de manière artificielle avec son nouveau mode de calcul. En effet, la division de l’entreprise en segments autonomes quant à la comptabilité amène à répercuter sur le réseau postal des coûts engendrés par d’autres domaines postaux. Rappelons que le réseau postal offre principalement des produits aux autres domaines et si les coûts augmentent pour le réseau postal, les bénéfices croissent dans d’autres domaines. L’autre justification tient au recul de la fréquentation des offices postaux. Or la Poste en porte la responsabilité du fait qu’elle ferme elle-même des offices de poste sans que l’on sache réellement, en raison de ce nouveau mode comptable, si cela se justifie ou non. D’après les recherches et calculs effectués par le syndicat Syndicom, il apparaît clairement que la perte de clientèle est proportionnellement inférieure au démantèlement des offices de poste.
Nous tenons également à rappeler qu’une entreprise de service public n’a pas pour vocation de faire du bénéfice mais de fournir, tel que le prévoit la Constitution, un service public universel.
Nous demandons donc que les ex-régies fédérales se concentrent sur les services à apporter à la population dans notre pays plutôt que de s’aventurer dans des affaires douteuses, notamment à l’étranger, qui, jusqu’à présent, se sont soldées trop souvent par des condamnations devant les tribunaux.
A l’exemple de ce qu’on a vu dans le cadre de la votation sur « No Billag », nos services publics sont un des ciments de notre pays. Nous devons veiller à maintenir cette qualité de service dans toutes les régions de la Confédération. Cette affaire a ébranlé la confiance non seulement des politiques, mais aussi, et surtout, d’une large majorité de la population face aux agissements inqualifiables à l’intérieur même d’une société anonyme de droit public dont la Confédération est l’actionnaire majoritaire.
Face à cette situation, le groupe des Verts exige donc que toute fermeture d’office postal soit suspendue sans délai. Ce moratoire devrait être maintenu jusqu’à la conclusion des différentes enquêtes internes et externes annoncées. Et pourquoi pas jusqu’à ce qu’une nouvelle loi sur la poste soit finalisée en intégrant différentes exigences, notamment de transparence?
Certains ce matin ont été très critiques, à juste titre, et ont même parlé de magouilles. Mais, chères et chers collègues, et notamment vous qui vous situez à la droite de l’échiquier politique, vous en portez une très large responsabilité politique: avec votre volonté de privatiser, vos exigences de rentabilité et, par exemple, votre refus réitéré d’encadrer les salaires des dirigeants de la Poste, vous vous faites quelque part complices de la direction de Car postal.