Résolution votée par l’Assemblée générale du 01.07.21 du Parti du Travail
La pandémie du COVID-19 a paralysé une bonne partie de la planète et a plongé le capitalisme mondialisé dans une crise grave, profonde et multiforme. Cette crise, sanitaire, sociale, économique, écologique et démocratique, confirme une fois de plus que le capitalisme fait obstacle aux solutions rationnelles et socialement justes des problèmes de l’humanité, que ce système a fait son temps, et qu’il est urgent d’en changer.
Tout le monde, y compris en Suisse, a pu pleinement se rendre compte de la fragilité et des aberrations de notre système capitaliste mondialisé : hôpitaux durement affaiblis par le néolibéralisme, gestion erratique d’autorités au service avant tout du capital, effets indésirables de la délocalisation de la production de biens essentiels dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée, système social qui laisse énormément de monde abandonné à son triste sort…
S’il est difficile de faire des prévisions sur comment cette crise va évoluer, et qu’il serait hasardeux de faire des plans sur la comète, il est clair pourtant qu’il s’agit d’un moment historique, d’un point de rupture profonde et durable, pas d’une simple parenthèse. Soit les forces de progrès parviendront à imposer une sortie de crise par le haut, en faveur de la justice sociale et climatique, soit la bourgeoisie parviendra à relancer le cycle d’accumulation du capital au détriment des peuples et au prix d’une catastrophe écologique.
Notre Parti a une responsabilité historique dans ces circonstances : organiser la lutte pour le socialisme, seule sortie véritable des crises du capitalisme, convaincre les classes populaires de la justesse cette perspective. A nous de nous donner les moyens d’être à la hauteur de cette tâche.
Crise sanitaire et gestion de classe
La plupart des pays capitalistes du globe ont géré la pandémie de manière plus ou moins erratique, ne prenant des mesures qu’avec retard, s’empêtrant dans les contradictions, voire de véritables mensonges d’État. Dans les États les plus néolibéraux du monde, la politique sanitaire a même tourné à une véritable gabegie meurtrière. Tous les Trump et les Bolsonaro du monde ont agi exactement comme décrit par Karl Marx dans le Livre I du Capital : « Après moi le déluge ! Telle est la devise de tout capitaliste et de toute nation capitaliste. Le capital ne s’inquiète donc point de la santé et de la durée de vie du travailleur, s’il n’y est pas contraint par la société. »
A contrario, le pays socialiste qu’est Cuba, malgré le blocus assassin qui l’étrangle depuis des décennies, non seulement a réussi à faire face de façon exemplaire face au virus, mais a également répondu présent à l’appel à l’aide de nombreux pays, dont l’Italie, un pays capitaliste développé et membre de l’UE.
En Suisse, le bilan de la pandémie est relativement lourd. S’il aurait pu être pire, il n’empêche pas moins que les atermoiements et la gestion parfois erratique du Conseil fédéral – réticent à mécontenter le patronat, et pour cette raison ne prenant les mesures qui s’imposaient qu’avec retard – n’a pas aidé. Dès le début et aujourd’hui encore, la gestion de la pandémie, loin d’être politiquement neutre, a une indiscutable dimension de classe.
Le Parti du Travail avait exigé que les masques et le gel hydroalcoolique fussent distribués gratuitement à la population, puisqu’il s’agit de dépenses rendues obligatoires par les autorités, qui peuvent être lourdes pour les classes populaires, et qu’il ne saurait être question d’une gestion de la crise sanitaire socialement juste dans le cas contraire. Le Conseil fédéral a préféré laisser faire le marché…
Le véritable scandale des vaccins contre le Covid-19, dont on parle peu, c’est que ceux-ci furent développés entièrement grâce à un financement public. Il n’aurait été que logique d’en faire des biens publics mondiaux, auxquels tous les pays du monde pourraient librement accéder. Les puissances capitalistes ont néanmoins refusé que les brevets fussent levés dans ce cas, pour permettre à leurs multinationales de s’enrichir sur des vaccins pour développer lesquels elles n’ont pourtant pas payés un centime de leur poche. D’où des lenteurs dans la production des vaccins qui auraient pu être évitées, d’où les retards scandaleux et les couts élevés pour les pays pauvres à y accéder.
Il est impératif que les brevets soient levés et que les vaccins deviennent bien publics mondiaux. Et il y a de bonnes raisons de penser que la pandémie du Covid-19 ne sera pas la dernière, ni même la plus grave, à frapper une planète aussi ultraconnectée par la mondialisation capitaliste que mal organisée. Des leçons doivent être tirées d’une gabegie sanitaire qui aurait pu être évitée, pour que celle-ci ne se répète plus.
La vraie « distanciation sociale »
Selon l’étrange formule devenue consacrée depuis le début de la pandémie du Covid-19, on qualifie de « distanciation sociale » ce qui n’est pourtant qu’une distanciation physique. Serait-ce une façon involontaire de tenter de faire oublier la véritable distanciation sociale, plus que jamais abyssale dans notre société capitaliste ?
Les inégalités de revenus ont en effet encore explosé durant la pandémie. Les discrimination ont été exacerbées et l’extrême pauvreté a massivement augmenté. Tandis que la fortune des milliardaires a atteint un nouveau record en 2020, et que quelques-uns ont même fait des surprofits qui défient l’imagination, les plus pauvres ont subi cette crise de plein fouet, et auront besoin, d’après l’ONG OXFAM, de 10 ans pour retrouver leurs revenus d’avant la crise. Dans les pays pauvres, il s’agit trop souvent d’une frontière entre la vie et la mort.
Cette nouvelle explosion des inégalités se vérifie aussi en Suisse. Alors que les grandes banques font des profits records, les ménages gagnant moins de 4’000,- par mois ont perdu en moyenne 20% de leurs revenus. Beaucoup d’entre eux se sont endettés. Alors que les plus aisés n’ont connu que des désagréments mineurs, et ont même pu faire des économies, parfois considérables. La Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) prévoit une hausse de 21% du nombre de personnes qui n’auront plus d’autre choix que de demander l’aide sociale ces deux prochaines années.
Les 60 milliards de francs des différentes aides publiques n’ont fait qu’atténuer cette catastrophe sociale. Le système social existant a en effet montré toutes ses lacunes, et les différentes mesures d’aides – RHT, APG, autres mesures d’indemnisations – ne couvrent pas toutes celles et ceux qui en ont besoin, et ne sont pas suffisantes. Le capitalisme conduite nécessairement à la paupérisation d’une majorité de la population. Ses crises accélèrent et aggravent cette tendance.
Retour en force du capitalisme monopoliste d’État
Ce qui est incontestable, c’est que le coronavirus aura eu un impact considérable au niveau des idées, déplacé les lignes du débat public, remis en cause des certitudes imposées par un matraquage constant depuis les années 80. La crise sanitaire aura eu le mérite de montrer l’aberration du mythe du marché libre qui s’autorégule, de la prétendue supériorité du privé sur le public, des soi-disant mérites de l’austérité budgétaire, des vertus de la mondialisation. Elle aura au contraire révélé le caractère précieux et indispensable des services publics, surtout pour ce qui est de la santé – il est symptomatique que ce sont les pays les plus libéraux, ceux où l’hôpital public aura été le plus démantelé, qui s’en sortent le plus mal – que ce sont les métiers généralement mal payés (personnel hospitalier, de la vente et de la voirie) qui sont les plus indispensables, et que ce n’était vraiment pas une bonne idée de délocaliser la production de biens stratégiques dans les pays où la main d’œuvre peut être payée au lance-pierre.
Contraints par la nécessité, les décideurs bourgeois renouent avec une forme de keynésianisme. Les États capitalistes développés ont de fait d’ores et déjà mis sur la table – pour faire face aux conséquences sanitaires, économiques et sociales du coronavirus – des sommes considérables, nettement supérieures et à celles engagées lors de la crise financière de 2008 ; 60 milliards de francs pour ce qui est de la Suisse. Les prétendus tabous sensément intangibles de l’idéologie néolibérale ont été balayés par la pression des faits. L’endettement public est redevenu acceptable. Les mécanismes du capitalisme monopoliste d’État font partout leur retour en force.
Le discrédit des idées néolibérales, du mythe du marché qui s’autorégule, est incontestablement une bonne chose, et nous offre un avantage conséquent pour la bataille des idées. Il faut rester conscients néanmoins que le rejet du libéralisme et l’appel à l’intervention de l’État de la part de la bourgeoisie n’est pas ipso factoprogressiste. Le libéralisme est en effet la doctrine de la bourgeoisie par beau temps. Lorsque la tempête gronde, elle est fatalement obligée d’y renoncer, de se réfugier sous le parapluie protecteur de son État, auquel elle demande un interventionnisme plus ou moins conséquent dans la sphère économique. Durant la Deuxième Guerre mondiale, la Suisse avait connu une économie quasi planifiée par le Conseil fédéral, flanqué d’une sorte de « conseil de la couronne », en collaboration avec les associations patronales, l’Assemblée fédérale n’ayant pas son mot à dire, et le peuple étant réduit au silence, par un dispositif à base de censure militaire et d’encadrement simili-fasciste. De la part d’un Conseil fédéral sympathisant avec le IIIème Reich, il n’y avait là rien de progressiste.
Le retour en force du capitalisme monopoliste d’État, s’il constitue une inflexion par rapport au néolibéralisme et peut être à l’occasion vendu aux peuples avec une rhétorique socialisante, n’est pas en soi progressiste, et constitue avant tout une politique au service des monopoles. Il ne faut pas en attendre des bienfaits trop importants.
Un facteur de crise non-résolu : la suraccumulation durable du capital
Le retour en force des mécanismes du capitalisme monopoliste d’État ne saurait être une solution réelle pour sortir de la crise économique, puisqu’ils ne touchent pas aux causes profondes de cette crise, qui est une crise de suraccumulation du capital – atteignant aujourd’hui des proportions vertigineuses – avec pour conséquence une surproduction relative par rapport à la demande solvable, entraînant nécessairement la crise, selon une dynamique expliquée par Karl Marx dans Le Capital, Livre III, ch. 13 :
« Par rapport à la population, l’énorme force productive qui se développe dans le cadre du mode de production capitaliste, et l’accroissement des valeurs-capital qui augmentent bien plus vite que la population, entrent en contradiction avec la base au profit de laquelle s’exerce cette énorme force productive et qui, relativement à l’accroissement de richesse, s’amenuise de plus en plus, et avec les conditions de mise en valeur de ce capital qui enfle sans cesse. D’où les crises. »
Le déclenchement de la crise n’a été retardé jusque-là que par la planche à billets. Aujourd’hui, c’est en injectant massivement des liquidités dans l’économie par le même procédé que les États essayent de la juguler. Or, l’usage de la planche à billet ne saurait être une solution que temporaire, qui repousse le déclenchement de la crise, mais en l’aggravant le moment venu. L’injection de liquidités signifie accroître encore la suraccumulation du capital…qui ne peut être valorisé, étant donnée la suraccumulation existante, impliquant la baisse tendancielle du taux de profit dans l’économie réelle, que dans la fuite en avant dans la spéculation financière, créant l’illusion d’un capital purement financier qui se valorise par lui-même, de l’argent qui engendre de l’argent. Mais cela ne peut durer longtemps. L’autonomie du capital financier n’est qu’apparente, et cette dissociation est fatalement brisée, ramenée à la réalité, ce qui constitue à proprement parler la crise financière (qui semble être une crise financière s’étendant à l’économie réelle, alors qu’il s’agit d’une crise de suraccumulation dont le déclenchement n’a été que retardé par le recours à la spéculation).
Il n’est dès lors pas inutile de regarder comment la bourgeoisie a réussi à « résoudre » les précédentes crises structurelles de son système économique. Une reprise après la crise de 1929 ne fut possible qu’après la Deuxième Guerre mondiale, et les colossales destructions de capital – et de vies humaines – qu’elle apporta, ce qui rendit possible un redémarrage de l’accumulation capitaliste, pour une trentaine d’années. La crise du capitalisme monopoliste d’État dans les années 70 posait objectivement la question de la transition au socialisme. La bourgeoisie ne parvint à éviter cette issue que par la contre-révolution néolibérale dans les métropoles et un rétablissement aggravé de l’oppression néocoloniale, à coup de guerres et de plans d’ajustement structurels, dans le Tiers Monde. Une nouvelle crise ne fut néanmoins – provisoirement – évitée que par la contre-révolution dans la plupart des pays socialistes à la fin des années 80, qui ouvrit un nouveau champ d’expansion colossale au capitalisme. Le répit ne fut que de 20 ans. Pour « résoudre » la crise de 2008, après quelques propos hypocrites et vite oubliés sur la « moralisation du capitalisme », les décideurs bourgeois eurent recours à des politiques d’austérité d’une violence sans équivalent depuis longtemps. Outre leurs dégâts sociaux, ces mesures sont en réalité récessives – en diminuant brutalement la demande solvable – et de nature à aggraver les causes structurelles de la crise. Pour relancer l’accumulation du capital, la bourgeoisie eut recours, d’une part à l’aggravation de l’exploitation de la force de travail, par l’austérité, la baisse des salaires, l’ubérisation, l’intensification du travail, l’industrie 4.0, d’autre part à la fuite en avant dans la spéculation financière, facilitée par l’usage massif de la planche à billets, les taux nuls, voire négatifs, pratiqués par les banques centrales. De telles « solutions » ne pouvaient que précipiter le retour d’une crise aggravée.
Cette histoire nous apprend, d’une part, que la crise systémique du capitalisme s’aggrave – crises plus fréquentes et plus graves, phases de reprise plus courtes et plus ambiguës – et, d’autre part, qu’elle ne peut être résolue dans le cadre du système, que ce soit par des mesures keynésiennes, la planche à billet, des solutions « techniques », et encore moins par un prétendu « capitalisme vert », qui n’est que du greenwashing. L’état même du développement des forces productives, le niveau atteint par la concentration du capital, exigent la transition au socialisme. Autrement, la bourgeoisie relancera le cycle d’accumulation du capital, au prix d’une nouvelle aggravation de l’exploitation, de mesures de plus en plus insoutenables pour les peuples comme pour l’environnement, et peut-être de la guerre…jusqu’à la prochaine crise. L’alternative est claire. Le choix est urgent. Beaucoup de gens commencent à le percevoir confusément. Le rôle historique d’un parti tel que le nôtre est crucial dans ces circonstances.
De la récession à la reprise : risque d’inflation et de surchauffe ?
Le fait que les causes profondes de la crise subsistent nous invite à regarder avec prudence la reprise économique, dont les économistes bourgeois disent qu’elle devrait être forte, et peut-être durable – 6% de croissance du PIB mondial en 2021 selon le FMI, 3,5% pour la Suisse.
Premièrement, parce que croissance économique n’implique pas ipso facto prospérité pour toutes et tous, ni plein emploi. Non seulement une reprise de l’accumulation du capital n’annulerait pas la paupérisation massive créée par la crise, mais elle impliquerait même certainement une aggravation de l’exploitation du travail. La croissance ne sera pas non plus nécessairement génératrice de beaucoup d’emplois.
Deuxièmement, parce qu’il n’est nullement certain que cette reprise soit durable. Le fait qu’elle doive apparemment être particulièrement forte pourrait indiquer un risque réel de surchauffe, suivie d’une replongée dans la crise, cette fois sans lien avec le virus. Cette tendance à la surchauffe devrait conduire à un retour de l’inflation, quoi qu’il soit difficile d’en prévoir l’ampleur, et que celle-ci ne devant en toute probabilité être ni homogène ni généralisée. Des mesures devront en tous les cas être prises pour éviter que le renchérissement ne dégrade le pouvoir d’achat des classes populaires.
La suraccumulation du capital, déjà considérable, est considérablement aggravée par les injections massives de monnaie par les banques centrales, qui ont pour principal effet de gonfler encore un capital financier déjà surdimensionné. Il est de notoriété publique que le secteur de la « tech » est touché par une bulle spéculative. Et il n’est pas le seul…Ces bulles finiront fatalement par éclater, replongeant l’économie dans la crise.
Restructuration de l’économie
Si reprise il doit y avoir, celle-ci ne sera en tout cas pas uniforme. Les crises du capitalisme en accélèrent toujours la restructuration, ainsi que la concentration du capital.
La crise actuelle ne fait pas exception. Les entreprises qui en profitent le plus sont les multinationales de la pharma et de la « tech », et en particulier les GAFAM.
A l’inverse, les PME, l’hôtellerie, la restauration, la culture…en subissent les effets, et de nombreuses entreprises y sont obligées de mettre la clé sous la porte, ou seront contraintes de le faire lorsque les mesures fédérales de soutien aux entreprises dans le cadre de la pandémie seront levées, mettant autant de travailleurs au chômage.
Le secteur aérien ne reviendra sans doute jamais à son niveau d’avant le Covid, pas plus que l’hôtellerie. Des solutions de reconversion doivent impérativement être proposées aux travailleurs concernés.
Une relance de l’accumulation du capital serait la pire des choses
Certains on dit un peu vite que le virus aurait été au final bon pour l’environnement, car, pour la première fois les émissions de gaz à effet de serre auront baissé, offrant à l’humanité un répit bienvenu. En réalité, c’est surtout la pollution atmosphérique qui a baissé, de façon spectaculaire dans certains endroits (ce qui est évidemment une bonne chose), du fait de la baisse temporaire d’activité économique. Les émissions de gaz à effet de serre n’auront baissé que de 15%, ce qui est loin d’être suffisant.
Pourtant, la pandémie n’aura en rien fait disparaître l’urgence écologique. Le capitalisme, au nom de l’impératif de l’accumulation du capital et de la soif de profit de la petite oligarchie qui règne sur ce monde, nous conduit à toute vitesse vers une extinction programmée. Les températures ont d’ores et déjà augmenté de 1°C par rapport à l’ère préindustrielle, et les conséquences en sont visibles, et dévastatrices. Si l’on veut réussir à limiter la hausse des températures à 1,5°C, il faudrait réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030. Tout retard après 2020 rendrait rapidement cet objectif inatteignable. Il faudrait tout de même réduire ces mêmes émissions de 2,7% par an si on veut au moins réussir à ne pas dépasser 2°C de hausse. Le problème étant que les émissions continuent régulièrement à croître, et, au rythme actuel de l’inaction des pouvoirs politiques et de la soif de profit sans fin des entreprises, cela est bien parti pour continuer. Ce qui impliquerait une hausse des températures jusqu’à 3,9°C d’ici la fin du siècle, ouvrant la porte à des boucles de rétroaction incontrôlables, et rendant au final la planète inhabitable, ou peu s’en faut.
Or, malgré l’urgence, les émissions de gaz à effet de serre continuent régulièrement d’augmenter. Au rythme actuel, c’est une hausse de 7° C qui nous attend pour la fin du siècle : un changement catastrophique qui signifierait probablement l’extinction de l’humanité. Et le réchauffement climatique n’est pas le seul problème écologiquement urgent. Se concentrer uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre amène même parfois, dans une approche de greenwashing, à une étrange casuistique, où on présente comme « vertes » des technologies qui en fait ne le sont pas. Il y a aussi le problème de la pollution, la limitation des ressources en métaux, mis à part le fer et l’aluminium (respectivement 5% et 8% de la lithosphère),…Une approche globale et un changement radical de système sont nécessaires. Le marxisme est la seule méthode à même de penser et d’accomplir un tel changement. La voie de la révolution plutôt que de la réforme lente de l’ordre existant n’est plus aujourd’hui un enjeu de discussion doctrinale, mais une urgence vitale.
La crise économique rend cette urgence d’autant plus grande. Pour « sortir de la crise », nombre de pays capitalistes envisagent de renoncer au peu de progrès qui ont été faits, pour relancer massivement les filières fossiles, l’aviation, les croisières…De fait, si la bourgeoisie parvient à relancer l’accumulation du capital, ce serait au prix d’une hausse massive des émissions de gaz à effet de serre. Une sortie de la crise sous le capitalisme signifierait rendrait la catastrophe écologique inévitable et irréversible. Une catastrophe qu’il faut absolument empêcher.
Comme l’a brillamment dit Evo Morales, ancien président de Bolivie, en 2007 : « Le monde souffre d’une fièvre provoquée par le changement climatique, et la maladie est le modèle capitaliste de développement ». Heureusement, cette maladie n’est pas incurable. Le socialisme est le remède.
Que penser des théories du complot ?
La pandémie du coronavirus, la situation inhabituelle – et angoissante – qu’elle a créé, a donné une résonnance supplémentaire à diverses théories du complot, dont le nombre d’adeptes a considérablement grandi. Au point où le complotisme est devenu un phénomène massif, et politiquement impossible à négliger – 10% de la population adhérerait à au moins une théorie du complot, et 20% y pencheraient, contre 70% qui n’y croiraient pas du tout.
La presse bourgeoise s’est vue obligée d’en faire l’écho…pour déplorer le phénomène, pour dénigrer les adeptes des théories du complot, pour dénoncer une « menace pour la démocratie », voir pour justifier des lois liberticides sous couvert de lutte contre les fake news (comme si la presse bourgeoise et les gouvernements n’en propageaient pas). Rappelons que certaines « théories du complot » se sont révélées vraies dans l’histoire, et la version officielle mensongère…Et que « conspirationnisme » est un terme volontairement flou, utilisé par l’idéologie bourgeoise pour dénigrer, sans se sentir obligé d’apporter le moindre argument, toute explication mettant en cause la vérité officielle.
Que faut-il penser de ce phénomène ? En tout premier lieu, le succès des diverses théories complotistes témoigne du fait que la confiance populaire dans la parole des autorités est basse. A juste titre. De plus en plus de gens se rendent, fût-ce sous une forme confuse, que les autorités mentent, que l’idéologie bourgeoise est trompeuse, que le peuple n’a que peu de prises sur les événements, et que le monde n’évolue pas vraiment dans le sens du bien commun. Aussi, ils vont chercher la vérité ailleurs.
Ce phénomène témoigne d’une prise de conscience salutaire, d’un esprit critique et d’une volonté de se libérer de l’influence aliénante de l’idéologie bourgeoise. En outre, sous leurs dehors plus ou moins farfelus, les théories conspirationnistes contiennent souvent un noyau rationnel. Les incohérences et les flottements de la politique des gouvernements face à la pandémie justifient également des questionnements et doutes légitimes…Il serait pour le moins problématique que la parole des gouvernements bourgeois doive être soustraite à la critique, pour la raison qu’elle est parole gouvernementale.
Mais le fait est que les théories du complot représentent néanmoins souvent des explications globalement fausses ou aberrantes. Du reste, les théories du complot ne proposent généralement pas de perspective politique crédible, et ne sont d’ailleurs pas nécessairement progressistes. Des théories conspirationnistes telles que QAnon peuvent servir de matrice à l’émergence d’un mouvement politique réactionnaire. Les récents événements aux USA prouvent que ce danger ne doit pas être sous-estimé. L’influence de QAnon en Suisse est une réalité, qu’il ne convient pas de prendre à la légère.
Notre Parti, en revanche, apporte une perspective de rupture crédible avec l’ordre établi. C’est à nous de montrer que le marxisme apporte des réponses correctes aux questions que se posent les gens tentés de chercher la vérité ailleurs que dans le discours officiel.
Nos solutions pour une sortie de la crise par le haut
Les choses ne peuvent plus continuer telles qu’elles sont. Quelque part, même la bourgeoisie en est consciente, puisque ces hommes et femmes politiques parlent autant du « jour d’après ». Néanmoins, elle est déterminée à préserver sa domination quel qu’en puisse être le prix, préparant de fait un jour d’après bien pire pour les travailleurs que celui d’avant. Mais ce n’est pas aux classes populaires de payer pour la crise. Pour empêcher la réalisation de ce programme réactionnaire, pour imposer les changements révolutionnaires que la situation historique réclame, notre Parti lutte pour un programme de sortie de crise alternatif à celui de la bourgeoisie et conforme aux intérêts des classes populaires.
Nous nous engageons en tout premier lieu en faveur de solutions concrètes et immédiatement applicables.
Redistribution des richesses
Comme solution concrète et immédiatement applicable, il faut une taxe des millionnaires avec une redistribution des richesses. Le parti s’est déjà fortement engagé dans un projet de redistribution des richesses depuis novembre 2021, il s’agit maintenant de transformer ce projet en victoire populaire. La crise a exacerbé les inégalités et ses coûts ne doivent pas être supportés par la population. C’est à la bourgeoisie de payer, car c’est elle qui a ravagé le système de santé ces dernières années. Elle doit être déclarée comme responsable de la situation actuelle.
Avant la crise, les inégalités ont fortement augmenté dans un capitalisme managérial où les hauts cadres accaparent une partie grandissante de la richesse produite. À Genève, les personnes disposant de plus de 3 millions de fortune imposable, donc après diverses déductions, représentent 2% des contribuables. Ces ultra-riches ont vu leur fortune passer de 22 milliards en 2011 à plus de 60 milliards en 2017. Ils possédaient 43% de la fortune en 2011 et 63% de la fortune en 2017. Autrement dit, ils ont accaparé en 6 ans 20% en plus de la fortune totale à Genève. Pendant ce temps-là, plus de 70% de la population ne disposait pas de fortune imposable.
La crise a accentué les inégalités avec une réduction des revenus du travail, mais un maintien du niveau des revenus du capital avec un SMI qui atteint les mêmes niveaux qu’en 2019. De nombreux secteurs de la bourgeoisie ont profité de la crise pour renforcer leurs positions comme les banques, le négoce de matières premières ou encore les pharmaceutiques. Pour la population, la crise du Covid correspond à des RHT, des pertes d’emplois et du chômage, c’est-à-dire des pertes de revenu conséquentes. La précarisation de pans entiers de la société s’accentue et l’État continue d’appliquer des mesures d’austérité plutôt que de développer un service public fort.
Cet automne, le Conseil d’État a espéré réduire le salaire du personnel de la fonction publique alors qu’une grande partie était en première ligne durant le confinement. Face aux attaques du gouvernement, plusieurs milliers de personnes sont descendues à plusieurs reprises pour défendre leur salaire et demander une reconnaissance de leurs engagements durant la crise. La fonction publique ne doit pas payer le manque de moyen de l’État suite à la baisse successive d’impôt pour les plus riches.
En parallèle à ce mouvement de la fonction publique, le Parti a été l’initiateur d’un rassemblement de l’ensemble de la gauche et des syndicats pour définir une initiative de redistribution des richesses. Après plusieurs mois de discussions, il est proposé de taxer 0.5% de toutes les fortunes de plus de 3 Mio. Le Parti doit continuer à soutenir cette initiative et montrer l’importance du conflit de classe dans ce projet. Cette initiative est l’occasion de focaliser le débat public sur la répartition des richesses et d’arracher une victoire.
Création d’emplois socialement et écologiquement utiles
Face à la destructrice « restructuration par le marché » du capitalisme et aux emplois perdus suite à la crise, face au chômage persistant, et pour garantir une possibilité de reconversion aux travailleurs dont les emplois disparaîtront, il est indispensable de créer des emplois socialement et écologiquement utiles. Il est également indispensable de réduire le temps de travail, afin de pouvoir travailler toutes et tous.
Nous estimons que ces emplois soient créés directement par les collectivités publiques – plutôt que de tenter de relancer la création d’emplois par la reprise de la croissance du capital – afin de tirer les leçons de la crise du Covid et de diminuer le poids du marché et de ses nuisances dans la société, de garantir que ces emplois soient réellement socialement et écologiquement utiles, de relocaliser autant que faire se peut les activités productives (au moins dans les secteurs stratégiques), et d’entamer la transformation écologique de la société.
En ce sens, le Parti du Travail soutient activement l’initiative de la CGAS pour la création de 1’000 emplois par année dans les domaines sociaux, sanitaire et de la transition écologique, – ce dans les collectivités publiques et institution à but non-lucratif poursuivant des buts d’intérêt public –, et pour la réduction du temps de travail à 32 heures par semaine.
Cette initiative est toutefois loin d’être suffisante, et ne saurait constituer qu’un indispensable premier pas.
Seule véritable sortie de crise : le socialisme
Les solutions concrètes et immédiatement applicables, esquissées ci-dessus, si elles sont indispensables et qu’il faut nous battre pour elles, ne sauraient pourtant suffire pour garantir une sortie effective et durable de la crise. Il ne saurait en particulier être question de semer des illusions sur un impossible capitalisme social et écologique, qui ne peut pas et ne pourra jamais exister. Plus que jamais, un changement de système est indispensable. La seule porte de sortie des crises du capitalisme est le socialisme.
Rupture révolutionnaire et socialisme, ou nuit sans fin des forces destructrices du « libre-marché », de la crise, de la réaction et de l’écocide, tel est le choix qui se présente à nous aujourd’hui. Le PS et les Verts, trop intégrés au système pour être une véritable opposition, trop acquis au compromis avec la bourgeoise pour s’y opposer réellement, ne peuvent incarner l’indispensable rupture. C’est à notre Parti que revient ce rôle.
Il s’agit d’une tâche difficile, qui peut sembler au-dessus de nos forces, mais dont la situation historique même exige l’accomplissement, et que nous devons accomplir, car, comme l’a dit Jean Jaurès :
« Il faut l’effort lent et continu pour triompher ! Cependant la victoire est certaine, parce qu’il serait monstrueux et inadmissible que l’humanité ait pu concevoir un idéal de justice et qu’elle soit incapable de le réaliser. Cette faillite humaine ne se réalisera pas ! »